La maison préservée
Willem Frederik Hermans
5
Un moment suspendu dans le chaos de la guerre.
Dès les premières lignes du roman, le lecteur se retrouve happé dans une scène de guerre en compagnie du narrateur. Jeune soldat hollandais, il fait partie d’une section militaire russe. Dépenaillé, assoiffé, éreinté, il court dans les vignes, perd l’équilibre entre les mottes de terre. Autour de lui, les déflagrations allemandes pleuvent sans vraiment savoir d’où elles viennent.
Sa course effrénée le conduit devant une belle demeure bourgeoise, entourée d’une large pelouse. Curieusement intacte et heureusement inoccupée. Une invitation au jeune soldat à se tapir, se mettre à l’abri et pourquoi pas y attendre la fin de la guerre. Il prend possession des lieux, se coule dans un bain chaud, endosse des habits propres, avale une soupe qui mijote sur le feu, s’enfonce dans les canapés et se prend à rêver. Il s’imagine être le nouveau propriétaire des lieux. Mais après quelques jours de quiétude, hors de la noire réalité, des coups se font entendre à la porte d’entrée…
Un roman court, haletant, quasi hypnotique. Des phrases laconiques, quelque peu hébétées et décousues qui bousculent les repères. Narrateur et lecteur plongent ensemble dans le chaos, celui d’une guerre et de sa folie. Conteur implacable, Willem Frederik Hermans n’aura eu besoin que de quatre-vingts pages, pour dépeindre la noirceur de l’âme humaine. Ce texte frappe par sa beauté mais aussi par sa violence.
Une véritable aubaine que de découvrir, enfin, ce texte en traduction française. Hermans fait partie des auteurs majeurs de la littérature néerlandaise du XXe siècle.
Coup de cœur d’Annick