Les sources

Dans ce roman court, Marie-Hélène Lafon évoque avec beaucoup de pudeur une histoire de violence conjugale, dans une ferme située au milieu des terres cantaliennes. L’écriture est épurée, âpre et fertile à la fois. Elle utilise des mots du terroir qui font résonnance avec le paysage.

Le récit est scindé en trois parties. Le premier chapitre s’ouvre sur les samedi 10 et dimanche 11 juin 1967, deux journées au cours desquelles la vie d’une famille va basculer. Nous suivons les pensées de la mère de trois jeunes enfants. Tout en vaquant à ses occupations ménagères, elle songe à sa vie, à la violence du mari, à ses peurs permanentes, à ses humiliations quotidiennes et aux seuls petits moments de respiration qui lui sont offerts quand IL n’est pas là. Comment en est-elle arrivée là, pourquoi a-t-elle accepté cette situation. Par quel miracle a-t-elle tenu ? Pourtant, par instinct de survie, pour elle et ses enfants, alors qu’elle se sent anéantie, incapable, molle, sale, elle va avoir le courage de « dévier la source ».

Le deuxième chapitre se situe en 1974 et plonge cette fois dans les pensées du mari. Seul dans sa ferme, il rumine, il s’interroge. Il a eu des « faiblesses », il s’en rend compte. Il aime les femmes qui ont du caractère et elle, elle était faible, amorphe, passive. Certes, ses réflexions viennent ajouter plus de perplexité à la situation mais elles n’excusent en rien ses actions.
Dans le troisième chapitre, on retrouve Claire, une des filles du couple. Nous sommes en 2021, devant la bâtisse qu’elle habitait quand elle était enfant. Mise en vente par la fratrie, Claire s’apprête à en refermer les grilles. Il est maintenant temps de se libérer de cet endroit et de laisser les souvenirs derrière soi.

Ce texte écrit au cordeau dépeint avec une grande justesse la dureté du monde agricole, ainsi que la condition féminine dans cette France rurale de l'époque.

Coup de cœur d’Annick