Vers la violence
Blandine Rinkel
5
Entre amour et haine. Entre fascination et dégout. Entre lumière et ténèbres. Un roman qui impose au lecteur un délicat exercice d’équilibre.
Tu me tiens, je te tiens par la barbichette. « Nous avons chanté la chanson et le premier de nous deux qui rira, sait à quoi s’attendre. La dernière phrase de la comptine, pourtant, me fait frémir. C’est que, de Gérard, je n’imagine pas la possibilité de tapettes, mais seulement de tapes, viriles et vraies…et l’idée qu’il puisse m’en mettre une me glace et me terrifie. »
"Vers la violence" est le chemin emprunté par la petite Lou qui voue à son père des sentiments contradictoires, faits d’amour infini et de peur immense. « J’héritais de lui les trois choses auxquelles je tenais le plus au monde. J’héritais de lui l’absence, la joie et la violence. » Ce patriarche agit sur elle, à la fois, comme un baume apaisant et une menace glaçante. Ancien militaire devenu flic, Gérard va éduquer sa fille à la dure, faisant d’elle une guerrière capable d’affronter peurs et douleurs, sans broncher. Cet homme inquiétant peut aussi se montrer drôle et fantasque. Meurtri par la vie et prisonnier de son passé, il est imprévisible et plonge régulièrement, la tête la première, dans les ténèbres. L’ambiguïté de ce portrait fascine et dérange. Cette violence n’aura heureusement pas tout détruit et permettra à l’héroïne ainsi qu’au lecteur, de se relever tout en constatant les dégâts.
C’est un sujet difficile qu’aborde l’auteure. La violence est plus psychologique que physique mais la menace est constante. Le lecteur traverse ce nouveau roman de Blandine Rinkel, comme un équilibriste sur un fil, tout en tension. Accroché aux pages comme le funambule à son balancier, avec la peur au ventre de basculer. Un texte magnifique, d’une sensibilité parfois à fleur de peau, qui nous rappelle comment l’héritage psychologique familial nous façonne, avec son poids et ses traumatismes, entre chance et malédiction.
Coup de cœur d’Annick!